Les quatre frères



Ils étaient quatre frères enracinés dans un talus d’argile… Quatre vieux sages qui se touchaient du bout des branches et semblaient se donner la main. Depuis des siècles, ils contemplaient la nature et ses saisons, le terroir et ses traditions. Avec grandeur et dignité, ils illustraient la force tranquille du temps, et autour d’eux flottait un étonnant parfum d’éternité… Mais ce dernier vient de s’envoler à tout jamais car l’homme ingénieux, inventif, intelligent, a ce pouvoir étrange de détruire sans raison !




C’était un matin d’hiver plein de promesses. Le soleil annoncé allait faire scintiller le givre dans toute la vallée. Lumières, contrastes, ambiances… De quoi partager des moments rares et capturer de belles images. Nous avons donc pris le chemin des quatre chênes en étant persuadés que leur microcosme allait une nouvelle fois nous émerveiller.




Combien de fois avons-nous vu le chevreuil se reposer derrière leurs immenses silhouettes ? Combien de rapaces perchés avons-nous observés sur leurs branches noueuses ? Combien de passereaux cachés derrière feuilles et bourgeons avons-nous écoutés au printemps ? Combien d’insectes avons-nous regardés sur l’écorce rugueuse, sous les mousses ou entre les lichens ? Les vieux chênes jouaient un rôle écologique important dans le paysage environnant. Trônant au milieu de vastes pâturages, ils étaient comme une oasis au milieu du désert… Et jusqu’ici, ils avaient résisté à tout. Vents violents, pluies torrentielles, bourrasques de grêle, amoncellements de neige… Même la tempête de décembre 1999 les avait épargnés !




Ce matin-là, nous étions venus photographier la beauté des grands chênes, mais des sons mécaniques et des cris métalliques ont tout changé. Nous avons finalement immortalisé la fin tragique d’une belle histoire, et n’en retenons que honte, tristesse, dégoût et sentiment d’impuissance… Le godet frappait les grosses branches, les brisant, les arrachant, dans un fracas étourdissant. Les quatre frères se tordaient sous les coups répétés de la masse d’acier et tour à tour ils sont tombés. Quel crime avaient-ils commis pour être ainsi condamnés ? Aucun… Ils avaient simplement poussé sur un talus que des marchands de cailloux ont acheté, afin de boucher quelques trous creusés plus loin dans la vallée. Bêtise ou ignorance ? Depuis, le bois séculaire pourrit sous la neige, définitivement mort alors qu’il abritait tant de vie…




Il est difficile de dire si nous étions là au bon ou au mauvais moment… La nature voulait-elle des témoins ? C’est une question de plus parmi toutes celles qui nous encombrent depuis ce jour fatidique où une machine a brisé le temps en quelques instants…
Que ferons-nous quand la terre sera lisse à perte de vue ? Comment survivrons-nous dans des paysages nus ? Quand réaliserons-nous que toutes les espèces sont utiles et contribuent au maintien de notre environnement ? Quand comprendrons-nous que nous sommes dépendants de la nature, et que nous nous inscrivons dans la diversité du monde vivant ?
Ailleurs dans le monde, des hommes souffrent parce qu’ils sont privés de ressources naturelles, et près de chez nous, nous anéantissons le peu qui reste pour quelques sous, sans réfléchir à demain...




Parce que de telles histoires se produisent tous les jours, quelle que soit l’espèce concernée, quel que soit le milieu, il faut en parler… Ce témoignage photographique est libre de droit pour tous ceux qui souhaiteraient le publier ou l’éditer afin d’en faire écho. Seule réserve: merci de nous contacter pour en discuter... MAIL











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