Techniques d'enregistrement des chants d'oiseaux

Par Philippe Perez

Photographie Philippe Perez


Si l’activité de photographe animalier a fait couler de l’encre, celle de preneur de son n’a pas fait l’objet de beaucoup d’écrits dans les revues spécialisées. On peut citer les articles de Philippe Barbeau, du Muséum d’histoire naturelle, dans la revue destinée à l’audio professionnel « zéro Vu magazine », aujourd’hui disparue. On doit à Philippe des enregistrements extraordinaires réalisés pour de nombreux films dont « le peuple migrateur ».

J’exposerai ici les quelques règles essentielles à connaître pour effectuer une prise de son animalière dans les meilleures conditions possibles. La prise de son est un art, écrivait V. Jean-Louis, ingénieur à la Radiodiffusion Télévision française, disciple de Pierre Schaeffer au studio d’essai de la RTF. Dans un ouvrage du début des années 1950 intitulé « l’ingénieur du son », publié chez Chiron, l’auteur écrivait : « la prise de son ne se contente pas de copier, de reproduire servilement, mais saisit le spectacle naturel de l’exposition sonore pour le transposer, en renouvelant les valeurs premières. Quand elle atteint cette perfection, elle est une fête pour l’ouïe ».

La prise de son animalière peut être un loisir qui suppose une mise de fonds importante dans le matériel. C’est aussi une bonne leçon d’humilité car malgré les performances de l’équipement, le savoir-faire du preneur de son, c’est l’oiseau qui a le dernier mot au sens propre comme au sens figuré…

C’est, enfin et surtout, une activité qui doit se pratiquer dans le respect absolu de la nature. La recherche du « scoop » est absolument bannie si elle se fait au détriment de l’oiseau ou de l’environnement.




Le choix du matériel

L’enregistreur

Pour enregistrer les oiseaux, il convient évidemment d’avoir un magnétophone adapté à cette fonction. Il doit être portatif, donc autonome et doté d’une alimentation sur batterie ou sur piles. J’opterai pour une alimentation sur piles, celles-ci pouvant s’acheter dans n’importe quel commerce même dans les endroits les plus reculés.

Faut-il choisir un enregistreur numérique ou analogique ?

La question ne se pose plus vraiment aujourd’hui car on ne trouve pratiquement plus de magnétophones analogiques sur le marché. Les quelques personnes qui en ont gardés, ont de la peine à se procurer les indispensables bandes vierges, car les fabricants de bandes magnétiques ont abandonné ce format, qu’il s’agisse de la cassette compacte Philips développée au milieu des années 60 ou même de la bande quart de pouce utilisée dans les studios pendant plus de 50 ans. A l'heure actuelle, il ne reste plus qu'un seul fabricant au nIveau mondial, la société française MULAN Industries, dont le siège social est à Avranches, dans la Manche qui a repris en 2015 la fabrication des bandes magnétiques de la marque PYRAL, leader français qui a créé des bandes analogiques de très haute qualité pour la radiodiffusion et le cinéma.

Pour plus d'information, le documentaire de FR3 sur cette société : https://www.youtube.com/watch?v=YNgGh731TMg

Certains restent fidèles à ce format, surtout si, dans la chaîne de reproduction, on ne fait pas intervenir un maillon numérique qui échantillonnera le signal sonore (ce qui pour certains puristes est un défaut rédhibitoire). Actuellement, le CD et le DVD sont tellement pratiques qu’on verrait mal revenir au disque microsillon comme support pour le grand public malgré un engouement récent pour celui-ci.

Les enregistreurs numériques susceptibles d’être utilisés dans ce domaine, sont actuellement de deux sortes : les DAT (petites cassettes numériques) et les enregistreurs à carte mémoire : le premier support cité est en fin de vie, il me semble donc à éviter, car de surcroît, la cassette DAT est mécaniquement très fragile et convient plus à une utilisation en studio que dans la nature. Le second support utilise une carte mémoire pour le stockage des données numériques . Cette technique permet d’obtenir un enregistreur de petite taille, léger et fiable puisqu’il ne dispose pas de pièces mécaniques de précision nécessitant un usinage complexe.

L’appareil à choisir doit posséder un convertisseur analogique-numérique performant : en effet, une fois la vibration sonore transformée par le microphone en courant électrique analogique, celui-ci doit être rendu sous forme de fichier numérique par un convertisseur. Si celui-ci est de mauvaise qualité, le résultat final sera médiocre malgré tout le soin que vous aurez apporté dans les autres maillons de l’ensemble. L’échantillonnage qui consiste à prélever périodiquement des échantillons du signal analogique doit s’effectuer à 44,1 kHz au minimum afin d’obtenir une bande passante linéaire de 20 000 à 20 000 Hz. La quantification consiste à donner une valeur numérique binaire à chaque échantillon. De l’échelle de quantification retenue dépend la dynamique de la reproduction, plus cette échelle est grande plus elle sera précise. Il convient d’avoir au minimum un système à 16 bits pour obtenir une dynamique d’environ 96 dB. Si l’on souhaite obtenir des performances supérieures, on peut opter sur le choix d’un système permettant d’enregistrer avec un échantillonnage de 96 kHz et une quantification de 24 bits. Ces performances, nettement supérieures à celles d’un CD audio, ont l’avantage d’éviter la suppression de certaines harmoniques, phénomène qui existe avec la norme du CD audio, défaut mis en exergue par de nombreux mélomanes.

Si l’information est rudimentaire dans sa forme (0 ou 1) elle est très importante pour la reconstitution du son. Rappelons qu’un signal analogique déformé contient toujours le son, mais qu’un signal numérique tronqué disparaît complètement : ainsi, un bon convertisseur se doit de posséder des codes de correction d’erreur. Si donc, comme on l’a vu, l’information varie peu, les débits de celle-ci peuvent être très importants : par exemple, un CD audio génère un débit de plus de 4 millions de bits par seconde.

Certains appareils disposent d’une possibilité de compression qui permet de réduire la quantité d’informations en comprimant le son afin d’allonger la durée d’enregistrement du support. Sans entrer dans des notions de techniques ardues, cette réduction de débit numérique est permise grâce aux propriétés de l’oreille humaine. Cependant, basée sur l’effet de masque, cette compression se prête mal à la reproduction des chants d’oiseaux.

Le préamplificateur microphonique qui est inclus, lui aussi, dans l’appareil doit être de bonne qualité. Un certain nombre d’enregistreurs que l’on trouve sur le marché sont conçus pour une utilisation universelle : peu d’utilisateurs enregistrent avec un microphone, ils se contentent de copier des morceaux musicaux qui proviennent de différentes sources : (CD audio, MP3, internet…). Ils utilisent alors l’entrée dite « ligne ». Dès lors que l’on enregistre grâce à un microphone, on utilise l’entrée « micro » de l’appareil. Certains en sont dépourvus. Le préampli micro a pour fonction d’amplifier le courant faible provenant d’un microphone (quelques millivolts), celui-ci alimentera le convertisseur. Il doit donc être d’excellente qualité ; comme je l’indiquais, certains appareils en sont dépourvus, car les fabricants savent que beaucoup d’utilisateurs n’enregistreront jamais par l’intermédiaire d’un microphone, ainsi ils en font l’économie ; d’autres en possèdent mais de très mauvaise qualité, tout juste bon à enregistrer de la parole.

Il convient alors d’acheter des préamplis séparés, mais cela rajoute au prix et surtout à l’encombrement de l’ensemble. Il est préférable de choisir, dès le départ, un enregistreur doté de préamplis microphoniques de qualité. Nous évoquerons aussi la possibilité d’utiliser des microphones électrostatiques (les plus sensibles) qui nécessitent une source d’alimentation (12 ou 48 Volts) sur le magnétophone dans le prochain chapitre.

Enfin, le type des prises de liaison du magnétophone, notamment les prises « microphones » doivent être choisies en fonction d’un critère qui est la fiabilité : un magnétophone portatif doit être comme un vrai 4X4 : robuste et conçu pour être utilisé dans les pires conditions : le froid, l’humidité, le soleil, la chaleur, les chocs… Les prises microphones doivent être du type XLR et non des jacks surtout lorsqu’il s’agit de mini-jacks qui, avec l’âge, sont générateurs de mauvais contacts. On s’aperçoit que, lorsque l’on prend en considération les critères précités, l’éventail du choix des appareils se rétrécit.

On peut tout aussi bien enregistrer les sons de la nature grâce à un ordinateur. Il convient de doter celui-ci d’une carte son performante possédant des préamplificateurs microphoniques d’excellente qualité. Le choix se portera plutôt sur un modèle d’ordinateur portable permettant d’avoir une certaine autonomie. Celui-ci auquel on aura joint la carte son tiendra le rôle d’un magnétophone et les informations seront enregistrées sur le disque dur de la machine.


Le microphone

Le choix du microphone est au moins aussi important que celui de l’enregistreur, sinon plus. Il ne faut pas hésiter à y mettre le prix.

La directivité :

Le microphone est l’équivalent de l’objectif en matière de photographie : il existe différents types de micros adaptés à l’utilisation à laquelle on les destine et on peut les classer en trois types de directivité : les omnidirectionnels, les directionnels cardioïdes et les directionnels cardilignes (ou micros-canons).

Les microphones omnidirectionnels captent les sons venant de toutes les directions avec la même intensité. Ce sont les microphones les plus fidèles car ils n’engendrent pas de déformations sonores mais ils possèdent le défaut suivant ; en pratique, l’endroit dans lequel vous les placez doit être exempt de toute pollution sonore (de plus en plus rare de nos jours…).

Utilisés en couple, on s’en sert pour enregistrer de la stéréophonie dite « de phase », dont le rendu est particulièrement intéressant pour les ambiances.

Les microphones directionnels cardioïdes captent les sons venant de l’avant, éliminent une partie de ceux qui proviennent latéralement et de l‘arrière. Ils ont un champ en forme de cœur, d’où leur nom. Une attention particulière doit aussi être apportée à l’absence de pollution sonore car aucun microphone n’élimine totalement les bruits qui se trouvent hors de son champ, contrairement à un objectif d’appareil photo qui ne capte pas d’image hors de celui-ci.

Ce type de microphone est le plus largement utilisé dans tous les domaines de la prise de son et notamment dans l’enregistrement animalier.

Disposés en couple, ils permettent aussi d’enregistrer en stéréophonie.

Contrairement au précédent, il est beaucoup plus sensible au bruit du vent et sera toujours équipé d’un dispositif coupe-vent (nous l’évoquerons plus tard).

Les microphones directionnels cardilignes, ou micro-canon, leur principal atout tient en leur directivité obtenue grâce à un long tube à interférence situé dans le prolongement de la membrane microphonique. Très sélectifs, ils peuvent assez bien isoler une source sonore de son environnement. Leur courbe de réponse est plus plate qu’une parabole (voir chapitre suivant) et ils sont préférés à celle-ci pour enregistrer des sons graves tels le cri du butor étoilé ou le brame du cerf. L’inconvénient provient du fait que si une route se situe dans le faisceau utile, elle sera captée.

Ils peuvent aussi être disposés par deux et permettre des prises de son stéréophoniques de scènes éloignées.

Pourtant, il devrait bien y avoir un microphone idéal qui serait universel, capable de capter les sons aussi bien que le fait notre oreille. C’est le but recherché par un fabricant de microphones réputés, mais pour l’instant, de son propre aveu, il y a peu d’espoir d’égaler l’organe dont nous sommes tous dotés à la naissance.

Après avoir évoqué les trois types de directivité existants, il faut aussi évoquer les technologies appliquées aux microphones que l’on peut utiliser dans la prise de son animalière :

La technologie des microphones :

Les microphones dynamiques à bobines mobiles sont les plus courants et les plus fiables. Ils sont robustes aux chocs, peu sensibles à l’humidité et d‘un coût abordable.

Ils sont souvent lourds et doivent être disposés tout près de la source sonore ou utilisés dans une parabole. Ils n’ont pas besoin d’une source d’alimentation.

Ce type de microphone est souvent utilisé dans les reportages parlés à la radio.

Les microphones électrostatiques à condensateur sont d’excellents capteurs et sont très coûteux. Ils sont aussi assez fragiles et sensibles à l’humidité. Ils nécessitent de surcroît, une alimentation en 12 ou 48 volts dite « fantôme » qui est fournie soit par le magnétophone soit par un boîtier externe placé entre l’enregistreur et le ou les microphones. Ce type de microphone est utilisé par les professionnels dans la prise de son musicale. Ils conviennent aussi parfaitement à l’enregistrement dans la nature.

Les microphones électrostatiques à électrets se rapprochent en qualité des électrostatiques à condensateur mais avec un prix beaucoup plus accessible. Leur alimentation se fait grâce à une pile incorporée dans leur boîtier ce qui rend leur utilisation plus facile. C’est un bon choix pour débuter dans la prise de son animalière. Ils possèdent un bon rapport qualité-prix. Ils vieillissent cependant mal.


Les accessoires :

Il convient ici d’envisager quelques types d’accessoires qui ont leur importance dans la mesure ou, en ce qui concerne tout du moins le premier, on ne peut souvent pas s’en passer.

La protection contre le vent :

Appelée aussi bonnette anti-vent, celle-ci est quasi indispensable dans tous les cas de prise de son à l’extérieur. Même lorsque l’on utilise des microphones omnidirectionnels, généralement peu sensibles au vent, on ne peut se passer d’une protection de ce type, même s’il s’agit simplement d’une bonnette en mousse pour les endroits abrités du vent. Une protection efficace doit recouvrir l’ensemble du micro. Elles sont généralement assez onéreuses, mais certains bricoleurs astucieux pourront s’en fabriquer à l’aide d’un grillage fin et de voile, du style collant ou bas de femme.

Les bonnettes les plus efficaces sont recouvertes d’une espèce de fourrure synthétique (genre de poils de chien) permettant à l’air de lisser à sa surface et donc de ne pas pénétrer à l’intérieur de l’armature.

  

La suspension :

Celle-ci a pour objet de filtrer les bruits de chocs qui pourraient se transmettre entre un support sur le lequel est fixé le microphone (table, perche) et celui-ci. Un bricoleur pourra aussi s’en confectionner avec des bracelets élastiques.

Le réflecteur parabolique :

Autrement appelé parabole, son utilisation est fréquente chez certains preneurs de sons animaliers. Le principe en est simple : elle concentre en son foyer les ondes sonores situées dans son axe : de ce fait, elle accroît la directivité du microphone et augmente la pression acoustique reçue par la membrane de celui-ci . Ainsi, malgré la distance, le niveau sonore d’un chant d’oiseau entendu faiblement sera considérablement amplifié.

Il en existe de différents diamètres et pour des raisons d’encombrement, il peut être plus tentant d’utiliser les plus petites . Cependant, il faut savoir que le diamètre représente la limite supérieure de la longueur d’onde reçue convenablement : si celle-ci est supérieure à la dimension, le son est filtré dans les sons graves et médiums. On a donc intérêt à travailler avec la parabole du plus grand diamètre qui existe même si celle-ci est encombrante et lourde.


Le câble microphonique :

La liaison entre le ou les microphones est, elle aussi primordiale. Il y a plusieurs modus operandi en ce qui concerne les techniques d’enregistrement. Quelle méthode utiliser pour capter le chant d’un oiseau ? Doit-on s’approcher physiquement le plus possible de l’animal, ou au contraire, pratiquer l’affût, et laisser un dispositif de captation du son à proximité d’un poste de chant ce qui permet au preneur de son de se dissimuler ?

Cette dernière hypothèse requiert l’utilisation d’un long câble entre le magnétophone et le ou les microphones. Parfois, cette liaison atteint 200 mètres dans la nature. Il convient d’utiliser une liaison électrique symétrique car dans le cas contraire, le câble pourra tenir lieu d’antenne et capter, par exemple, des chaînes de radio. On utilisera un câble particulièrement bien isolé aussi sur le plan mécanique. La gaine de protection doit être épaisse pour pouvoir supporter les aléas du terrain, et du climat (et parfois les dents redoutables de certains rongeurs…).



Le casque d’écoute

Celui-ci doit servir non seulement à écouter les enregistrements effectués mais surtout à contrôler la prise de son in situ . Cet outil d’appréciation qualitative doit être choisi parmi les modèles de type fermé, de façon à n’écouter que le son qui parvient au(x) microphone(s). Il doit aussi avoir un bon rendu dans le registre des graves de façon à entendre les éventuelles perturbations du vent et à disposer du coupe-vent qui convient. Un casque d’écoute destiné au « monitoring » ne doit pas « flatter » l’écoute mais restituer le plus fidèlement possible le son enregistré. Sa mission consiste à faire percevoir au preneur de son les défauts de son travail dans le but d’y remédier.




Les particularités de l’enregistrement animalier


Le preneur de son doit posséder un minimum de connaissances en ornithologie. Je lui conseille l’achat de CD consacrés aux chants des espèces les plus répandues dans nos biotopes, afin de se familiariser avec les espèces les plus communes. La sortie terminée, il pourra comparer les chants enregistrés avec ceux qui sont identifiés sur le CD.


Les règles essentielles à connaître :

Une fois le matériel choisi, comment s’initier, à la pratique à l’enregistrement animalier.

Quels sont les règles à respecter et les écueils à éviter ?

Une paire de jumelles compactes (pour réduire l’encombrement) est indispensable à toute sortie dans la nature.

Tout d’abord, il convient de préparer sa sortie avec soin. Une fois l’endroit choisi, il est préférable de faire un repérage des lieux avant de s’y rendre avec son matériel. L’équipement doit être en parfait état de fonctionnement avec câbles, piles et accus de rechange. Il me paraît utile de rappeler qu’à l’extérieur, il est difficile d’assurer une maintenance ou réparation.

Le souci premier du preneur de son dans la nature est d’éviter la pollution sonore : si nos oreilles perçoivent les sons audibles, notre cerveau filtre les informations qui ne sont pas intéressantes. Faites l’expérience suivante : discutez à la terrasse d’un café avec un ami. Vous entendrez ses propos, mais vous ne prêterez pas attention au bruit de la rue. Si vous enregistrez la conversation, il y a de grande chance pour qu’elle soit inaudible car couverte par le brouhaha de la circulation.

Il existe deux types de pollution sonore :

Celle liée à l’activité de l’homme :

Actuellement, très peu de sites sont préservés, les routes, voies ferrées et aériennes, activités industrielles et agricoles sont partout présentes et enregistrer une alouette lulu s’avère approcher l’exploit. Plus le microphone est sensible et performant, plus il aura le défaut de sa qualité.

Le paradoxe est le suivant : le preneur de son choisit d’abord l’endroit non parce que le biotope est intéressant mais parce qu’il est exempt de bruits parasites.

Les activités humaines se réduisent au crépuscule et la nuit et il peut parfois être plus facile d’enregistrer à ce moment, mais tous les sons portent davantage. Une route lointaine peut, la journée, être inaudible ce qui n’est pas le cas la nuit, même si le trafic a diminué.

Grâce à la directivité des microphones (voir infra), on peut parfois réussir à les orienter de la meilleure façon. Certaines émissions sonores des insectes peuvent aussi masquer les bruits indésirables.

Celle non liée à l’activité de l’homme :

Le vent, en fonction de son intensité, crée un ronflement grave et fait vibrer les membranes des microphones. Les protections s’avèrent indispensables comme on l’a évoqué précédemment. Lorsque celui-ci est trop violent, l’enregistrement doit être différé.

Lorsque l’on se trouve en forêt ou dans un endroit où la végétation est dense, un simple souffle d’air peut générer un bruit de fond assez désagréable. Il convient alors d’enregistrer tôt le matin, moment généralement moins venteux.

La pluie n’est pas vraiment gênante, sauf pour le matériel qu’il faut évidemment protéger. Le son de la pluie qui tombe (sorte de crépitement qui peut faire penser à un feu de cheminée) est parfois recherché pour des ambiances. Une serpillière disposée au-dessus du micro pourra amortir le clapotis des gouttes d’eau (mais attention, son manque de perméabilité ne pourra pas protéger efficacement celui-ci d’un éventuel court-circuit) .

Comme le vent, les cours d’eau peuvent eux aussi générer un bruit de fond masquant les chants d’oiseaux. Cela peut aussi donner une ambiance non dénuée de tout intérêt. Il convient d’orienter son ou ses microphones afin que le rendu soit le plus esthétique possible.






Les techniques utilisées pour enregistrer les oiseaux

Travailler en stéréophonie signifie utiliser deux canaux distincts pour la captation du son afin de recréer l’image sonore entendue avec nos deux oreilles. Il convient donc d’enregistrer avec deux microphones ayant les mêmes caractéristiques. Il existe plusieurs types de stéréophonie, la stéréophonie de phase, d’intensité et mixte. Il ne me semble pas utile de développer ces aspects techniques dans le cadre de cet article. Je citerai des ouvrages particulièrement bien documentés à ce sujet.

On pourrait aussi disposer de quatre microphones afin d’enregistrer une ambiance quadriphonique. Les utilisateurs du son « surround » n’ont rien inventé. Le procédé existait dès le début des années 70 et certains preneurs de son de l’époque ont enregistré des concerts de musique classique avec ce système. À l’époque, personne n’a voulu investir dans ce domaine. Appliqué à la prise de son animalière, pourquoi ne pas expérimenter un système avec quatre microphones, deux couples ORTF mis dos à dos par exemple ? Le résultat pourrait être spectaculaire.

L’utilisation du couple stéréo microphonique reste le système le plus simple et le plus facile à mettre en œuvre. On peut choisir deux microphones cardioïdes écartés de 17 cm et formant un angle de 110° (système appelé communément couple ORTF) . Une variante permet de mettre en œuvre avec la même configuration des capsules omnidirectionnelles. Celles-ci ont généralement un rendu supérieur mais sont plus difficiles à utiliser.

En ce qui me concerne, j’utilise deux microphones électrostatiques à condensateur (voir infra). Je pratique l’affût, installant 200 mètres de câble dans le biotope choisi après repérage à différents moments du jour (et de la nuit). J’entends mais je ne vois pas ce qui se passe. J’ai confectionné un abri pour mes microphones avec les moyens du bord : chaise de jardin renversée, sac-poubelle et housse de machine à écrire en protection de la pluie. Ainsi dissimulés et protégés, je les laisse plusieurs semaines durant au même endroit.

Photographie Philippe Perez

Un robuste pied de caméra fait office de trépied de fixation pour mon couple stéréophonique. Il est ici placé devant le nid d’un petit de rouge-queue noir qui s’élancera pour son premier vol. On voit les deux bonnettes anti-vent présentes malgré la protection offerte par un préau. Il m’arrive aussi d’utiliser ce même couple au bout d’une perche, ce qui me permet d’être mobile.


Un biotope idéal : une petite étendue d’eau, des champs et la lisière d’une forêt : promesse d’enregistrements intéressants. (attention aux routes aériennes)



L’avantage d’utiliser des longs câbles pour relier le magnétophone aux micros est que l’on peut se dissimuler plus facilement. L’inconvénient réside dans le fait que l’on est statique compte tenu de l’encombrement de ces câbles. Dans la mesure du possible et en fonction de la végétation, ces derniers doivent être fixés au moins à 20 centimètres du sol afin de se prémunir des dents de certains vertébrés : celles des ragondins sont très efficaces…

Un moyen de se dissimuler consiste dans le fait de rester à l’intérieur d’un véhicule à l’arrêt. J’ai souvent remarqué que beaucoup d’oiseaux ne sont pas du tout farouches lorsqu’ils ont repéré un véhicule à l’arrêt depuis un certain temps. Pour eux, il ne représente pas de danger et ils s’approchent parfois très près. J’ai réalisé certains enregistrements grâce à cette technique en laissant les microphones dépasser du toit de la voiture (attention au coup de chaleur à l’intérieur d’un véhicule…).






Le traitement du son

Il est très rare que le son enregistré dans la nature ne fasse pas l’objet d’un traitement, arrivé dans son studio. Il conviendra tout d’abord au montage, d’enlever toutes les parties gênantes comme les bruits de frottement du câble sur le microphone, les petits chocs, les parties inexploitables à cause de la présence d’un bruit de moteur etc. Puis, grâce à l’utilisation d’un filtre paramétrique, certaines fréquences pourront être diminuées, voire supprimées pour que l’enregistrement paraisse plus propre. Il s’agit d’un travail précis qui demande beaucoup d’attention. L’informatique permet l’achat de logiciels spécialisés dans le traitement du son très efficaces, alors qu’il y a vingt ans, le matériel analogique était très onéreux pour des résultats souvent moins précis.

Puis on peut aussi effectuer un mixage, lorsque l’on désire enchaîner deux ou plusieurs chants ou mélanger des ambiances. Je l’ai évoqué précédemment, pour masquer un bruit de fond gênant, on peut utiliser des ambiances naturelles comme le clapotis d’un cours d’eau ou les stridulations d’un orthoptère (grillon, criquet…). Il convient ici de coller avec la réalité et de ne pas faire côtoyer des espèces lesquelles, dans la nature, ne pourraient se rencontrer…





L’archivage

Il est important de classer les différents enregistrements une fois qu’ils sont sous leur forme définitive. Ils seront étiquetés afin de connaître les espèces représentées, l’endroit, le moment de la prise de son ainsi que certains renseignements techniques comme le type des microphones utilisés. Ce travail méthodique doit être effectué au fur et à mesure des prises de son, en effet certains détails sont vite oubliés si l’on attend trop longtemps pour les mentionner.




Conclusion et bibliographie

Comme vous l'avez constaté, je ne cite pas de marque, car il ne m'appartient pas de faire de la publicité pour telle ou telle firme. En ce qui concerne l’enregistreur, si les prescriptions dont j’ai parlé sont respectées, vous n’aurez pas l’embarras du choix ; pour les microphones, c’est un peu la même chose, certaines marques fabriquent des produits de grande qualité mais pour travailler en studio : leurs modèles résistent mal à une utilisation dans la nature sous des conditions climatiques difficiles.

Je ne me suis pas étendu sur les différentes techniques d’enregistrement en stéréophonie. Elles sont relativement complexes : je conseille, pour ceux qui s’intéressent au son et aux techniques d’enregistrement, la lecture des trois tomes du livre des techniques du son par un collectif d’auteur paru aux éditions fréquences diffusés par la librairie Eyrolles (notamment le tome 3 consacré à la prise de son) certainement le meilleur ouvrage sur ce sujet en langue française.

Pour terminer, je voudrais signaler l’excellent ouvrage précité, écrit il y a plus de 60 ans par V. Jean-Louis ingénieur à la RTF qui s’intitule « l’ingénieur du son » et qui était publié aux éditions Chiron. Cette maison diffusait aussi la fameuse « revue du son ». À l’heure actuelle, il ne se trouve plus guère que dans les brocantes ou dans certaines bibliothèques spécialisées. Il évoque les principes fondamentaux à connaître. Beaucoup de formules mathématiques et physiques ne doivent pas dissuader le lecteur de le consulter avec beaucoup d’attention. Le premier chapitre intitulé le son et l’oreille est absolument remarquable.




Extraits de chants d'oiseaux




Plus d'informations sur le CD


Si vous souhaitez avoir plus de renseignements, vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante :


p.perez6@wanadoo.fr

Textes : Philippe PEREZ, Paris, février 2006

Mise à jour du texte : Mai 2020


Enregistrements réalisés en analogique avec magnétophone NAGRA IV S, en numérique avec ordinateur portable couplé à un convertisseur AD/DA Thum und Mahr, préamplificateurs GIRARDIN, microphoneS SCHOEPS MSTC 6 avec capsules MK 2 et MK 4 et SENNHEISER MKH 40.