Le monde de la chasse

Chasse de nuit

Sources : ROC


Près de 5 millions d’oiseaux d’eau sont prélevés chaque année, par la chasse, en France, dont plus de 2 millions de canards. Selon les espèces, entre 42 et 79 % des canards qui traversent notre pays seraient tués à la chasse (chiffres ONC – Trolliet 1986). Une étude de 1982, sous l'égide du Muséum et du CNRS, a démontré que les prélèvements les plus élevés de gibier d’eau se situaient dans les départements pratiquant la chasse de nuit.

Pourtant en France, la chasse de nuit a été interdite par le code rural en 1844...

Malgré cette interdiction légale, la chasse de nuit était pratiquée par des chasseurs de gibier d’eau dans certains départements côtiers et de zones humides de l'intérieur, car elle était parfois tolérée localement. Les chasseurs n'étant pas inquiétés pour ces actes de braconnage. C'est ainsi qu'on fait naître d'une pratique illégale une nouvelle tradition.

Pourtant cette chasse a été régulièrement dénoncée par les scientifiques et les représentant de l'Europe. M. Van Hiert, Commissaire européen à l’Environnement, dans un courrier en date du 9/09/92 (JOCE 15/11/92) a d’ailleurs précisé que "La chasse de nuit est interdite en France. Ne figurant pas dans les procédés de chasse sélectifs, elle est donc interdite au sens de l’article 8 de la directive 79/409/CEE. Les États membres ne peuvent donc autoriser une telle pratique".

Maintenant grâce à des concessions du gouvernement et des parlementaires aux chasseurs d'oiseaux d'eau, ces pratiques locales, précédemment illégales, ont été régularisées par la loi du 26 juillet 2000. La chasse aux oiseaux d'eau de nuit est désormais autorisée à partir de postes fixes (hutteaux, huttes, tonnes et gobions) dans 21 départements, « et dans les cantons des autres départements où la chasse de nuit est traditionnelle ». Il est intéressant de noter que ces chasses sont devenues traditionnelles parce les autorités ont fermées les yeux sur ces pratiques illégales. En 1982, il y avait seulement 16 départements qui pouvaient se prévaloir d'une "tradition" pour ce type de chasse. Pourtant ceci n'empêcha pas les chasseurs de revendiquer l'extension de ce "privilège" à d'autres départements. Mais après vérification, il s’est avéré que l’Aube, les Ardennes, la Haute-Marne, la Haute-Saône, la Saône-et-Loire, le Maine-et-Loire, la Marne, les Pyrénées-Orientales, la Vendée… n’ont jamais eu de tradition de chasse de nuit au gibier d’eau et pour cette raison, ils ont été retirés de la liste des départements proposés par les chasseurs. Par contre avec la nouvelle loi, c'est 21 départements qui sont désormais concernés par la chasse de nuit. Ces départements sont : l'Aisne, les Ardennes, l'Aube, l'Aude, les Bouches-du-Rhône, le Calvados, la Charente-Maritime, l'Eure, la Gironde, l'Hérault, les Landes, la Manche, la Marne, le Nord, l'Orne, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques, la Seine-Maritime, la Seine-et-Marne, la Somme, l'Oise.

Cette loi est un des principaux coups bas portés à la faune sauvage depuis longtemps et pour de nombreuses raisons.

Sources : ROC


Les erreurs d'identification

Les chasseurs de ces 21 départements disposeraient-ils de capacités extraordinaires, que l'on ne rencontrerait pas nulle part ailleurs en Europe ? C'est la question qu'il faut désormais se poser. En effet, il semble qu'un étrange phénomène scientifique s'y soit produit : ils sont devenus nyctalotropes, ce qui signifie qu'ils disent voire aussi bien le jour que la nuit. Par conséquent, ils affirment pouvoir reconnaître sans aucune erreur possible, les espèces dont la chasse est autorisée avec celles qui sont protégées, et donc interdite à la chasse.

Une nouvelle fois, il se passe vraiment des choses curieuses en France. Seuls au monde, les chasseurs français posséderaient ce don surnaturel, et c'est sans doute pour cela que la chasse de nuit a été interdite dans tous les autres pays. Des scientifiques devraient donc bientôt affluer dans notre pays pour étudier les capacités surnaturelles de nos nouveaux nemrods. Mais il reste alors à faire venir également des équipes de psychologues pour qu'ils se penchent sur nos parlementaires qui ont autorisé cette chasse de nuit après avoir admis sans discussion que certains chasseurs français étaient devenus subitement nyctalotropes.

Pourtant chacun sait que les chasseurs commettent de nombreuses erreurs d'identification même quand il fait jour - et environ 20 % quand ils ont l'oiseau en main. Alors, que dire quand ils ne voient presque rien… et qu'ils n'ont même pas envie de se poser des questions sur les espèces protégées ! Durant la nuit, la mauvaise visibilité augmente forcément le risque de confusion entre les différentes espèces d'oiseaux et peut entraîner le tir de celles qui sont protégées. En effet, par temps de nuit, la distinction entre espèces présentant souvent des analogies d’aspect devient alors quasiment impossible (cas des femelles de canards entre elles…). C’est le constat opéré par les scientifiques du Muséum National d’Histoire Naturelle dans un rapport de février 1997 au Ministère de l’Environnement intitulé "Statut et migration prénuptiale des espèces d’oiseaux d’eau et d’oiseaux migrateurs chassables en France".

Par ailleurs est important de savoir que la recherche des oiseaux blessés est très souvent impossible et leurs souffrances ne sont donc pas abrégées.

La biologie des oiseaux

De nombreuses espèces de canards se nourrissent la nuit et se reposent le jour. La chasse de nuit perturbe le cycle biologique des oiseaux d’eau qui ont besoin de pratiquement toute la nuit pour se nourrir pendant l’hiver. La chasse de nuit perturbe aussi le stationnement des oiseaux en les empêchant de reprendre des forces.

Autoriser la chasse de nuit revient donc en fait à permettre de traquer le gibier d’eau, 24 h sur 24, 7 jours sur 7 pendant 6 à 7 mois. Outre les prélèvements directs qu’elle opère, la chasse de nuit perturbe gravement les oiseaux survivants qui ne peuvent répondre avec succès à leurs besoins énergétiques qui augmentent en fin d’hiver, période critique.

Le contrôle des infractions

D'autres problèmes surgissent avec la chasse de nuit au niveau du contrôle des infractions. Déjà de jour, certains braconniers n'ont pas hésité à tirer volontairement sur les gardes-chasses. Ce genre de comportement a déjà fait, à plusieurs reprises, la une des faits divers dans la presse. La nuit, le risque est encore multiplié et ce n'est un problème nouveau. Déjà, en 1844, lors des débats sur un projet de loi relatif à la chasse, on pouvait lire "Lorsque les individus sont surpris en chasse de nuit par les gardes, c’est surtout à ce moment que les crimes arrivent…. C’est précisément pour cela que nous avons interdit la chasse de nuit".

La chasse de nuit se pratique dans des huttes ou des tonnes. Il est important de savoir que les installations actuelles n’ont plus rien à voir avec ce qui se faisait dans le genre pendant les années 50. Traditionnellement ces constructions étaient spartiates et inconfortables, car le chasseur n'y séjournait que quelques heures durant la nuit. Mais désormais certaines ont été tellement aménagées qu'elles sont devenues de véritables habitations avec chauffage, télévision, voire garage intégré et clôture extérieure, de quoi confortablement toute la nuit à l'affût. Ces différents de types de huttes et leurs emplacements géographiques posent plusieurs types de problèmes de droit.

En effet, le droit applicable est différent selon que l’installation est implantée sur le domaine public maritime ou sur le domaine terrestre et selon son caractère sommaire ou non. Ainsi, en zone terrestre, les gardes ne peuvent que contrôler « la simple hutte de chasse…, poste d’observation dépourvu des équipements les plus élémentaires propres à caractériser le domicile et le terrain attenant non entouré d’une clôture constante» (cf. arrêt de la Cour de Cassation du 9/01/92). À l’inverse, une hutte, tonne… aménagée, pourvue d’équipements domestiques sera considérée comme un « domicile » et les gardes ne pourront y pénétrer qu’avec l’assentiment du propriétaire. En résumé, plus l’installation est moderne et conviviale, plus la chasse qui s’y exerce sera affranchie de tout contrôle au titre de la police de la chasse !



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